Interview du premier-Maître GAUTHIER
Commando marine, un combattant de l’ombre.
Sur tous les océans et toutes les mers du monde et sans relâche, la Marine nationale assure la sécurité et la protection de l’espace maritime français. En mer, sur terre et dans les airs, les marins accomplissent chaque jour des missions de renseignement, de prévention, d’intervention, de protection et de dissuasion.
Quatre piliers fondent la Marine : la force d’action navale, la force de l’aéronautique navale, la force océanique stratégique et la force maritime des fusiliers marins et commandos (FORFUSCO).
Au sein du pays de Lorient, la Marine et deux de ses Forces sont présentes sur les sites
– de Lann-Bihoué où est basée une des plus grosses unités de la force de l’aéronautique navale du territoire français ;
– et sur les rives droite et gauche du Scorff où se situent à la fois le centre névralgique de la FORFUSCO avec l’état-major, et 6 des 7 unités commandos. L’ensemble est co-localisé avec l’Ecole des fusiliers marins.
Votre œil a peut-être parfois été attiré par ces embarcations rapides, noires qui s’attaquent au bateau qui fait la liaison avec l’île de Groix ou encore par des grappes d’hommes suspendus à une corde, tractés par un hélicoptère et qui tentent de rejoindre leur semi-rigide ! Pas de panique, il ne s’agit pas d’une attaque ennemie mais bel et bien d’un entrainement des commandos marine…
Aujourd’hui, nous sommes allés à la rencontre du Premier-Maître Gauthier, chef de raid au sein du commando PONCHARDIER ; il nous explique autant que faire se peut, son quotidien et sa fonction.
Gauthier, quelles sont les missions des commandos marine ?
Un commando marine peut agir au large, à terre ou encore mener des opérations de la mer vers la terre. Ces missions ont des objectifs divers : lutte contre le terrorisme, libération d’otages, lutte contre les trafics illicites ou encore lutte contre la piraterie. Nous pouvons aussi effectuer des missions de reconnaissances spéciales.
Au sein des commandos, quel poste occupez-vous ?
Je fais partie du Commando Ponchardier et, en son sein, de l’escouade mer. Les marins du commando Ponchardier, sont spécialisés dans l’appui à la mobilité maritime, terrestre et aérienne des commandos d’assaut. J’occupe la fonction de navigateur, chef de raid. J’assure, lors des opérations et des entrainements, la préparation et la conduite de la navigation des embarcations rapides pour commando, en veillant à la sécurité nautique
Je suis aussi un référent pour le commandement en matière de nautisme dans la planification des opérations
Quel est votre quotidien ?
Il est différent en fonction de si nous sommes, ou non, en opération.
Nos missions sont toutes différentes. Hors mission, nous effectuons de nombreux entrainements, afin d’être toujours opérationnels à n’importe quel moment. Nous devons également assurer l’entretien des embarcations avec nos spécialistes au sein du commando (mécaniciens, manœuvriers, électriciens).
Nos entrainements consistent à nous mettre dans des situations proches de ce que nous pourrons vivre lors d’une opération : arraisonnement d’un navire, transfert d’un groupe de commandos d’un point A à un point B, etc…
Je dirais que notre physique est sollicité à 30% alors que notre mental l’est à 70%. Il faut donc en permanence s’éprouver, se confronter… Nous anticipons tous types de situations pour nous y préparer au mieux.
Votre terrain d’entrainement ?
Le pays de Lorient et sa rade principalement ! C’est notre base et nous l’utilisons pour nous exercer. Mais nous pouvons effectuer des entrainements n’importe où. En Bretagne, nous travaillons par exemple régulièrement en mer d’Iroise et en baie de Quiberon.
Comment devient-on fusilier marin, puis commando Marine ?
J’ai d’abord effectué mon service national avant de retourner pour un temps à la vie civile. Puis, je me suis engagé dans les fusiliers marins et ai postulé au stage de commando, le fameux « STAC », séquencé sur environ 10 semaines. Le STAC n’est que le début de la formation qui dure tout au long de la carrière. La Marine a cette spécificité de nous faire évoluer et de nous faire nous perfectionner en permanence. Chacun essaie donc à son rythme d’acquérir des aptitudes nouvelles, d’améliorer ses performances ou connaissances. Ceci nous permet de progresser pour devenir chef d’équipe, chef de groupe e et chef de missions. Il faut repasser un « STAC » à chaque fois, ce qui constitue une très forte remise en question… De mon côté, j’ai suivi une nouvelle formation de 10 mois pour devenir pilote d’embarcation rapide, puis chef de raid.
Commando marine : un métier ou une vocation ?
Avec ce que nous vivons en opération, sans aucun doute une vocation.
Personnellement, je pense que toute activité professionnelle devrait être une vocation, vécue avec passion. C’est ce que j’explique à mes enfants. C’est la meilleure manière d’être épanoui au quotidien et de bien remplir nos missions, quelles qu’elles soient.
Quelles sont les qualités principales qu’il faut posséder pour être commando marine ?
Au-delà de la discrétion qui est une seconde nature, il faut beaucoup d’humilité afin de se remettre en question et de s’adapter en permanence. Il faut aussi de l’audace parce que ce que l’on fait, n’est pas ordinaire.
Qu’y a t’-il de plus pénible dans votre activité ?
Il faudrait plutôt poser la question à mon épouse…. C’est certainement la disponibilité puisque nous sommes mobilisables à tout moment et pour un temps certain.
De l’extérieur, il nous semble que c’est dangereux comme profession ; confirmez-vous ?
Notre activité ne tolère aucune approximation. Il n’y a pas de place pour l’aléa. Nous imaginons, anticipons le pire et, nous nous entrainons à le maîtriser. Aussi, pour nous, la notion d’activité dangereuse est quelque peu tronquée par notre préparation minutieuse.
Certes, le risque zéro n’existe pas et, comme toute personne engagée en matière de sécurité et de défense, nous connaissons et acceptons les risques inhérents.
Au regard de vos missions, y a-t-il une confidentialité à observer ? Si oui, comment gérez-vous cela avec vos proches ? Dit-on ouvertement que l’on est commando marine ?
Chacune de nos missions est confidentielle. Pour ce qui est de nos proches, les choses ont un peu évolué par rapport à il y a 20 ans. Les médias ont mis en lumière l’activité des commandos. Avec le temps, nous avons donc pu mettre nos proches dans la confidence de certaines activités, mais sans entrer dans le détail évidemment. Au-delà de mon cercle intime, je ne mentionne jamais que je suis commando marine.
Blason, chant uniforme, devise, y a-t-il des signes d’appartenance ?
Chacun des commandos à son insigne qui se retrouve sur le fanion de l’unité. Le signe d’appartenance qui singularise tous les commandos marine est notre béret vert que nous portons à l’anglaise, c’est-à-dire couché à droite avec notre badge à gauche. Nous sommes les seuls militaires français à porter notre badge à gauche. Il faut se référer à notre passé pour en avoir l’explication. Le 1er bataillon de Fusiliers Marins Commandos, créé au printemps 1942 en Grande-Bretagne par la France Libre et commandé par le capitaine de corvette Philippe Kieffer, s’est formé avec les commandos britanniques au château d’Achnacarry en Écosse. Ces derniers portaient leur béret couché à droite et cela nous est resté. Et d’ailleurs, détachés dans un commando britannique, 177 commandos marine français ont participé au débarquement en Normandie le 6 juin 1944. C’étaient presque les seuls représentants français.…
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